Une régisseuse réinvente la loi et minimise un déguerpissement

Jugements

Une décision aberrante a récemment été rendue par la Régie du logement. La juge administrative Marilyne Trudeau, a en effet refusé d’accorder le plein dédommagement contre une locataire ayant déguerpi de son logement. Elle s’est servie de l’article 1974 du Code civil, dispensant une locataire d’assumer la part du loyer correspondant aux services si son état de santé l’oblige à quitter.

Une régisseuse réinvente la loi et minimise un déguerpissement

Cette dernière avait en effet signé un bail annuel dans une résidence pour personnes âgées, au montant de 1 340 $ par mois, dont 58 % étaient destinés aux services rendus. Mais 4 mois avant la fin de son bail, la locataire a quitté le logement sans droit. Sa locatrice a donc déposé une demande à la Régie du logement, réclamant une indemnité de location de 4 020 $, soit les 4 mois de loyers non payés incluant les services.

L’article 1974 du Code civil du Québec indique clairement qu’il n’est pas possible de réclamer la part du loyer relative aux services après le départ d’un locataire, mais il ne s’applique qu’à des situations bien précises. C’est le cas par exemple d’une personne âgée admise dans une résidence offrant des services en lien avec sa santé, d’un locataire ayant obtenu une place dans un logement à loyer modique, ou d’une personne qui ne peut plus occuper son logement à cause d’un handicap.

En effet, l’intention clairement exprimée de la ministre Marguerite Blais, lors de la révision de la loi en 2011, était d’atténuer l’impact financier pour une personne âgée forcée de déménager en raison de son état de santé. La CORPIQ avait participé aux débats entourant ce projet de loi.

Or, le cas de la locataire est tout à fait différent de ce que préconise cet article. Elle s’est contentée de déguerpir, sans en avertir sa locatrice et surtout sans prouver que sa situation exigeait son départ. La régisseuse, qui est entrée en fonction en 2017, l’a bien compris, car elle cite l’article 1975 qui concerne uniquement les déguerpissements. Elle va pourtant appliquer les exceptions de l’article 1974 afin de diminuer le dédommagement.

Elle cite en effet une décision de la Régie rendue quelques mois plus tôt, qui a statué que « seul le préjudice réel de la locatrice peut être indemnisé ». Les services n’ayant pas été rendus, la locatrice ne peut donc pas se prévaloir de ces frais.

De plus, le tribunal estime que la locatrice n’a pas démontré qu’elle a subi les dommages réclamés. En effet, il apparait qu’elle n’a pas su prouver avoir tenté de relouer le logement de la locataire afin de minimiser ses pertes. La Régie cite notamment l’article 1479 du Code civil : « La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter ».

C’est pourquoi la locataire se voit seulement condamnée à payer 2 mois de loyer, soit le temps nécessaire pour relouer ce logement selon la Régie. Mais ces 2 mois de loyers ne prennent pas en compte les services prévus au bail, et totalisent donc 1 118 $ au lieu de 2 680 $.

La CORPIQ estime cette décision absurde en ce qui concerne le lien que fait le tribunal entre un déguerpissement et la protection offerte par l’article 1974 pour dispenser de payer les services aux personnes obligées de quitter pour une raison de santé.

Si vous vivez une telle situation, contactez la CORPIQ à cette adresse.

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