Inventer une crise du logement pour se faire réélire

Par Hans Brouillette, Directeur des affaires publiques, Corporation des propriétaires immobiliers du Québec

Inventer une crise du logement pour se faire réélire

Main dans la main, des groupes d’activistes du logement, des députés de Québec solidaire, Projet Montréal et la mairesse de Montréal, Valérie Plante, ont multiplié les sorties médiatiques pour faire mal paraître les propriétaires. Voilà beaucoup d’agitation pour dépeindre une situation du logement qu’ils considèrent être une crise.

Rectifions les faits. 

Les loyers de Montréal ne seront jamais ceux de Vancouver ou de Toronto. Quand la mairesse et ses élus tiennent un tel discours, cela démontre la déconnexion et la démagogie les plus totales. Pour différentes raisons, les terrains à Vancouver et Toronto coûtent une fortune. De plus, l’état du patrimoine bâti sur la côte ouest ferait l’envie de tout le Québec.

Il n’y a pas de pénurie de logements à Montréal pour l’instant. Le marché est très serré dans plusieurs régions, mais pas à Montréal. C’est même mieux que l’an dernier. En cette deuxième moitié d’avril, le taux d’inoccupation est sous 1 % dans toutes les régions sauf deux : Québec (1,3 %) et l’île de Montréal (4,7 %)1. C’est un net redressement par rapport au 1,5 % en avril 2020 dans la métropole. Pas de drame en vue, surtout que plus de 10 % des logements y sont disponibles en ce moment si on inclut ceux dont le bail n’a pas été renouvelé. Aussi, la construction bat des records et les logements destinés aux touristes reviennent sur le marché.

Il faut dire que la mairesse Plante, qui dessine elle-même une crise du logement, a empiré les choses. Son administration a diffusé sans relâche dans les médias des messages disant aux locataires de se trouver un nouveau logement avant d’annoncer au propriétaire qu’ils libéreront le leur. Cela crée une rareté. C’est comme jouer à la chaise musicale en invitant les participants à garder une fesse sur une chaise et une main sur l’autre : il n’y a plus de place pour ceux qui sont déjà debout. Cela a pour effet de décaler le marché dans le temps et de créer une pression supplémentaire sur les prix.

Les loyers ont augmenté, mais demeurent abordables

En 2010, le loyer d’un 4 ½ sur l’île de Montréal était 14 % moins cher que le loyer moyen au Canada. Il est maintenant 22 % moins cher. Les Québécois ne paient pas cher pour se loger par rapport à leur revenu, vivent dans des espaces plus grands et sont plus enclins à être seuls occupants. Les Européens, les Américains et même les autres Canadiens en sont stupéfaits.

Il y a aussi moins de pauvreté. Au recensement 2011, 39 % des locataires de la région montréalaise consacraient 30 % ou plus de leur budget au loyer. C’était 36 % en 2016 et 10 000 ménages de moins. Tout indique que la situation s’est améliorée depuis. De plus, parmi ce tiers des locataires qui dépensent autant, certains le font par choix.

Un immeuble de type plex (2 à 5 logements) sur l’île de Montréal se vendait en moyenne 737 000 $ en 2020, soit 365 % plus cher qu’en 2000. Pendant ces vingt ans, le loyer moyen y a progressé de 78 % pour un 4 ½ (de 509 $ à 907 $). Et encore, la hausse du loyer moyen est moindre en réalité, car la SCHL inclut les logements neufs, forcément plus dispendieux, et exclut la plupart des loyers très abordables dans ces innombrables duplex et triplex où les locataires restent très longtemps et qui augmentent donc moins vite que l’inflation.

À ces prix, même avec les bas taux intérêts hypothécaires, maintenir un petit immeuble en mode locatif n’est plus rentable sur une base annuelle. Les propriétaires subventionnent les locataires en reportant des travaux majeurs nécessaires. Seuls les acheteurs qui transforment le bâtiment et/ou son usage peuvent réussir, et ils ne sont pas tous vertueux. Si on veut éviter cela, alors il faut agir en amont pour que la location redevienne rentable.

Il y aura toujours des listes d’attente pour des logements sociaux subventionnés, mais cela ne signifie pas qu’il manque de logements, car 80 % des besoins impérieux en matière de logement ne concernent que l’abordabilité. La solution consiste alors à bonifier les programmes Supplément au loyer et Allocation-logement, aidant ainsi ces gens à se reloger rapidement ou à conserver celui qu’ils occupent déjà. On réservera les fonds publics pour construire quand il y a des besoins techniques (type de logement, services) non comblés par le secteur privé.

Les activistes et les élus de gauche veulent contrôler les prix, mais ne s’intéressent pas aux coûts. Il y a une explosion des coûts de main-d’œuvre, de matériaux, de primes d’assurance, de frais de gestion d’un immeuble. Les exigences réglementaires municipales et provinciales sur les bâtiments explosent aussi.

Même les taxes municipales augmentent plus vite que l’inflation. Alors que la mairesse Plante avait promis en campagne électorale d’aligner les hausses de taxes sur l’inflation, elles auront totalisé 7,8 % depuis son arrivée en 2017 (incluant 0 % cette année à Montréal grâce aux 263 millions $ d’aide d’Ottawa et de Québec pour pallier les impacts de la pandémie). Pendant ces quatre ans, le coût de la vie, qui ne relâche pourtant pas en 2021, progressait moins : 6,7 %.

En 2019, le revenu moyen après impôt des ménages locataires au Québec était de 42 600 $, selon les plus récentes données de Statistique Canada. À 800 $ (9600 $ par an), le loyer moyen au Québec représentait 22,5 %, comparativement à 26 % il y a 25 ans. Il y a donc une baisse du loyer par rapport au revenu. Les locataires ont un plus grand pouvoir d’achat qu’avant, mais de ça, nos élus n’en parlent pas.

Le gouvernement du Québec vient de se créer un vrai ministère responsable de l’Habitation et la ministre Andrée Laforest a amorcé cet hiver un vaste chantier pour doter le Québec en 2022 d’un Plan d’action gouvernemental en habitation. Mais l’administration de Valérie Plante ne peut pas attendre ce plan, ni que le taux d’inoccupation des logements augmente, ni l’avènement du REM qui permettra plus de mobilité pour l’emploi et l’habitation. Sa contrainte est l’échéance électorale municipale du 7 novembre et elle doit faire face à des réalités économiques qui lui échappent.

(1)    Sondage de la CORPIQ du 21 au 28 avril 2021, avec échantillon représentatif couvrant près de 10 000 logements sur l’île de Montréal.

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