L'évolution de la légalité du dépôt de sécurité au Québec

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Le dépôt de sécurité (aussi communément appelé le dépôt de « garantie »), interdit par l’article 1904 du Code civil du Québec, représente un enjeu important pour les propriétaires d’immeubles à revenus dans la province de Québec. Face à cette interdiction, la CORPIQ milite en faveur de sa légalisation auprès du gouvernement et du Tribunal administratif du logement (ci-après « TAL ») depuis plusieurs années.

L'évolution de la légalité du dépôt de sécurité au Québec

En 2020, dans la décision Les Immeubles À Côté Inc. c. Mirzica, le juge a reconnu la validité du dépôt de sécurité lorsqu'il est utilisé dans le cadre d'un formulaire préparé par la CORPIQ. Ce formulaire offre trois options de sûreté proposée par le candidat-locataire au locateur : la colocation, la caution au bail et/ou le dépôt de sécurité. Ainsi, si un locateur refuse un candidat-locataire en raison de risques financiers ou de l'absence d'un dossier de crédit (nouvel arrivant par exemple), il peut présenter ce formulaire afin que le candidat fasse un choix. Si le candidat choisit volontairement l’option du dépôt de sécurité en signant le formulaire, le locateur est autorisé à conserver le montant du dépôt jusqu’à la fin du bail et à le restituer à condition que les obligations contractuelles soient respectées. Cependant, il convient de noter que les juges disposent d’un pouvoir discrétionnaire dans leurs décisions et ne sont pas obligés de suivre cette position.

En 2023, le formulaire préparé par la CORPIQ a été remis en question à la Cour du Québec dans la décision 9198-0110 Québec inc.c. Simindokht. La Cour a refusé de reconnaître le dépôt de sécurité, bien que le locataire ait signé le formulaire d’options de sûretés. Dans cette affaire, le locateur avait initialement refusé le candidat, un nouvel arrivant sans antécédents de crédit, mais l'avait accepté après que ce dernier eut choisi l’option du dépôt de sécurité sur le formulaire fourni par la CORPIQ. Toutefois, la Cour a jugé que, lorsque le formulaire est signé simultanément avec le bail, le locataire n’a pas de véritable choix entre les options. Étant donné qu’il ne pouvait fournir ni caution ni colocataire, le dépôt de sécurité a été perçu comme une condition imposée pour conclure le bail, ce qui revient à exiger illégalement un dépôt.

Malgré cette décision défavorable, il est important de rappeler que le TAL peut reconnaître la validité d’un dépôt de sécurité si les locateurs respectent les directives issues de la tendance jurisprudentielle majoritaire. Selon ce courant jurisprudentiel, « un dépôt peut être valide ou légal s’il n’est pas suggéré, demandé ou exigé par le locateur, mais proposé uniquement par le locataire pour des raisons qui lui sont propres » (LG2I inc.c. Doyon).

À la suite de cette décision de la Cour du Québec, la CORPIQ a travaillé à mettre un nouveau modèle de dépôt de sécurité à la disposition de ses membres, disponible sur son site web. Pour respecter les critères de la jurisprudence, cette fois-ci, le modèle prend la forme d’une déclaration du candidat-locataire qui permet à celui-ci de préciser les motifs pour lesquels il offre de remettre volontairement le dépôt de sécurité. Veuillez noter que l’ancien formulaire d’options de sûreté n’est plus disponible sur notre plateforme. Nous vous demandons donc de ne plus l’utiliser, même si vous en avez encore une copie en votre possession.

Nous tenons à vous souligner que ce formulaire doit uniquement être remis au candidat-locataire après qu’il vous ait lui-même manifesté l’intérêt de vous proposer un dépôt de sécurité en raison de sa situation spécifique. Donc, idéalement, il doit être signé avant la signature du bail et il sera ensuite annexé à la copie du bail signé. Il s’agit d’un tout nouveau formulaire que la CORPIQ fournit pour aider ses membres, mais encore une fois, il est à noter que les tribunaux ont l’entière discrétion pour le valider ou non compte tenu des circonstances précises de chaque dossier.

Pour vous assurer que le dépôt de sécurité soit pris dans la légalité, nous vous suggérons de conserver autant de preuves que possible lors de la période de négociation avec le candidat-locataire. Ces preuves serviront à démontrer au juge, en cas de litige, que ce dernier a initié la proposition de l’option du dépôt de sécurité et que son consentement a été donné de manière libre et éclairée, sans aucune pression de la part du locateur. Les preuves qui peuvent être utiles sont notamment : les communications écrites (textos, courriels, etc.), les enregistrements audios et/ou la présence d’un témoin.

Par ailleurs, la décision 9198-0110 Québec inc.c. Simindokht a apporté une précision importante concernant l’utilisation du dépôt de sécurité. La juge a affirmé que ce dépôt ne peut être utilisé que pour couvrir les arrérages de loyer. Ainsi, si tous les loyers ont été payés, le dépôt doit être intégralement remis au locataire. Il n’est donc pas permis de conserver ce montant pour compenser les dommages causés au logement à la fin du bail. Dans une telle situation, le locateur devra documenter les dommages en prenant des photos, effectuer les réparations nécessaires, puis déposer une demande au TAL pour obtenir le remboursement des frais engagés.

En somme, bien que le dépôt de sécurité reste une pratique controversée et encadrée par des règles strictes au Québec, il demeure un outil potentiel pour les locateurs et les locataires lorsqu’il est utilisé de manière conforme à la jurisprudence. Les récentes décisions mentionnées ci-haut illustrent l’importance de respecter les critères juridiques établis, notamment le consentement libre et éclairé du locataire ainsi que l’utilisation limitée du dépôt.

La CORPIQ continue de soutenir ses membres en leur fournissant des outils, tels que le nouveau formulaire adapté aux exigences légales, tout en sensibilisant à l’importance de documenter chaque étape du processus. Malgré les incertitudes liées au pouvoir discrétionnaire des juges, une préparation rigoureuse et des preuves solides permettent d’augmenter les chances de valider le dépôt de sécurité. Ainsi, il est essentiel pour les locateurs de rester informés et de suivre les pratiques recommandées afin de protéger leurs intérêts tout en respectant les droits des locataires.

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