Les toits blancs: réellement performants?

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Afin de réduire les îlots de chaleurs, plusieurs municipalités exigent l’installation de toits blancs. Or, selon plusieurs experts, l’efficacité d’une telle mesure serait négligeable en région nordique, comme le Québec. Un pensez-y bien, lorsque l’on considère que ce type de revêtement coûte, en moyenne, 16 % à 18 % plus cher à poser qu’une couverture traditionnelle.

Les toits blancs: réellement performants?

Dans une étude, l’Institut de recherche en construction du Canada indique que cette technologie « réduit la demande d’énergie en été et contribue à atténuer l’effet d’îlot thermique urbain. Toutefois, à mesure que la membrane vieillit et se salit, celle-ci perd de sa réflexivité. […] Au Canada, où la saison de chauffage est plus longue, de tels toits peuvent s’avérer économiquement désavantageux en hiver, puisque la chaleur solaire est alors dissipée dans l’atmosphère ».

Ce qu’en pense l’industrie

À l’Association des maîtres couvreurs du Québec (AMCQ), on doute aussi des portées environnementale et économique des surfaces réfléchissantes.

« La plus-value d’un toit blanc est limitée dans le temps, étant donné la pollution atmosphérique et la poussière. Inévitablement, la membrane se salit et devient foncée. On parle donc d’une capacité à réfléchir les rayons du soleil qui s’étend sur cinq ans, au maximum. Après ça, on constate les mêmes résultats [de réflexivité] qu’avec un toit gris traditionnel », soutient Michel Paré, directeur du développement des affaires à l’AMCQ, en s’appuyant sur des photos prises lors d’inspections, où l’on voit que la membrane est complètement brune après quelques années.

Si certaines couvertures peuvent être nettoyées (caoutchouc synthétique, thermoplastique et PVC), pour tenter de recouvrer leur blancheur, ce procédé procure toutefois des effets mitigés qui engendrent des coûts d’entretien considérables et qui peuvent avoir des répercussions néfastes sur l’environnement.

« On ne retrouvera jamais la réflexivité initiale. De plus, le savon utilisé s’en va dans le drain de la toiture qui est connecté aux égouts pluviaux; les déchets ne sont donc pas traités. Si on n’en pas conscient et qu’on emploie un produit avec des phosphates, ça peut mener à la prolifération des algues bleues dans les cours d’eau; ce qui n’est pas très écologique.

« De plus, la main-d’œuvre qui devra être engagée, tous les trois ans, pour faire les travaux doit avoir un minimum de connaissance. Il y a des coûts associés à ça. Les économies que l’on souhaite faire en réduisant sa consommation d’énergie sont vite englouties par l’entretien », plaide M. Paré.

Si les toits blancs permettent (pendant quelques années!) de diminuer la température ambiante en période estivale, il en est tout autrement lors de la saison froide, faisant ainsi augmenter considérablement les frais de chauffage.

« Le chercheur James L. Hoff a fait une étude sur les toitures à travers les États-Unis.  Dans la portion nord-est du pays, dans le coin de Boston, le fait d’avoir un toit blanc engendre des économies d’énergie de l’ordre de 100 $ par année. Plus on descend vers le Sud, plus celles-ci sont importantes, allant jusqu’à 500 $. À l’inverse, au nord de Boston, ce type de couverture engendre des dépenses en électricité, parce qu’il faut commencer à chauffer plus tôt en automne et continuer à le faire plus tard au printemps », résume-t-il.

Une mesure de plus en plus prisée

Malgré tout, M. Paré constate un réel engouement pour les toits blancs depuis quelques années.

« De plus en plus d’arrondissements de Montréal et de villes de la couronne nord exigent de telles membranes. Par contre, je n’ai pas de chiffres à savoir combien de couvertures de ce genre ont été installées », indique-t-il.

Le porte-parole de l’AMCQ fait d’ailleurs valoir qu’une couverture réfléchissante permet de récolter des points en vue d’obtenir la certification LEED, ce qui pourrait expliquer pourquoi tant de municipalités emboîtent le pas. Il rappelle toutefois que cette norme environnementale a été élaborée aux États-Unis et ne tient pas compte de la réalité canadienne, en termes de climat.

Solutions alternatives

M. Paré croit qu’il serait beaucoup plus judicieux d’utiliser le surcoût nécessaire à  l’installation d’une membrane blanche pour l’investir dans une meilleure isolation de la toiture.

« On ne peut pas substituer une résistance thermique par une couleur de toit. L’isolant, lui, ne se dégradera pas et va conserver ses propriétés. Il va être efficace 12 mois par année, contrairement à une membrane blanche qui est utile l’espace d’une saison qui dure trois mois.

« Dans les centres urbains, la source principale des îlots de chaleur, ce ne sont pas les toits, mais plutôt les émissions des voitures ainsi que les revêtement bitumineux (routes) et de briques (façade des immeubles). Ces derniers ont une plus grande masse thermique, ce qui fait qu’ils emmagasinent davantage de chaleur », fait-il valoir. 

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