Le gouvernement suspend indéfiniment toute décision ordonnant l’expulsion d’un locataire...

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...ou la reprise d’un logement. Par un arrêté ministériel de la ministre de la Santé et des Services sociaux daté du mercredi 17 mars, le gouvernement du Québec ordonne la suspension pour une période indéfinie de toute décision de la Régie du logement ou d’un autre tribunal qui autorise la reprise d’un logement ou l’expulsion/éviction d’un locataire.

Le gouvernement suspend indéfiniment toute décision ordonnant l’expulsion d’un locataire...

Cependant, une expulsion pourra s’effectuer dans le cas précis où le logement a été reloué avant le 17 mars et que le locataire refuse de quitter les lieux, empêchant ainsi le nouveau locataire d’emménager.

La CORPIQ a aussitôt demandé au gouvernement d’annoncer la mise en place d’un programme pour assurer les propriétaires qu’ils seront dédommagés pour les pertes financières découlant de cette grave décision.

En plus des travailleurs subissant une perte de revenus, il apparaît évident pour la CORPIQ que la situation de crise provoquée par le coronavirus sera exploitée par certains locataires qui, sans être réellement impactés par une baisse de revenu ou une perte d’emploi, ne paieront plus leur loyer. Au moment d’écrire ces lignes, des activistes profitaient de la crise pour prôner une grève des loyers.  Les loyers impayés au 1er mars n’ont rien à voir avec la pandémie.

Le défaut de paiement peut avoir un impact majeur pour les petits propriétaires qui comptent sur ce revenu mensuel pour leur famille, de même que pour les grands propriétaires qui doivent maintenir leurs opérations pour assurer un service aux locataires. Il est reconnu que dans la majorité des cas où les locataires ont un retard de quelques mois de loyer, les montants dus deviennent par la suite irrecouvrables. C’est la raison pour laquelle les propriétaires cherchent surtout à récupérer et relouer le logement – ce qu’ils ne pourront plus faire – pour endiguer leurs pertes.

Considérant que la protection des locataires incapables de payer leur loyer en temps de crise doit être assumée collectivement, et non par les propriétaires de logements seuls, la CORPIQ a donc demandé à la ministre de l’Habitation que son gouvernement s’engage à indemniser les propriétaires pour les pertes encourues, sans qu’ils aient le fardeau de démontrer s’il s’agit ou non d’un motif lié au coronavirus. Pour le moment, aucun gouvernement n’a assuré les propriétaires qu’ils seraient compensés pour leurs pertes. Le premier ministre Justin Trudeau a, pour sa part déclaré, le 13 mars, que personne ne devrait avoir à s’inquiéter de ne pas être capable de payer son loyer, sans plus de précision.

Puisqu’un processus conduisant à l’expulsion d’un locataire pour non-paiement prend plusieurs mois, il n’y avait aucune raison de craindre que les locataires perdent leur logement à court terme. Le gouvernement du Québec aurait le temps de mettre en place, ou à tout le moins d’annoncer, des mesures spéciales qui protégeront à la fois le locataire et le propriétaire, estime la CORPIQ.

Deux jours avant que le gouvernement annonce sa décision, des avocats et des groupes communautaires, vraisemblablement œuvrant à la défense des locataires, avaient réclamé la prolongation de la suspension de toutes les audiences visant l’expulsion des locataires. 

Suspension des audiences aussi

Après avoir annoncé le samedi 14 mars que les activités du tribunal de la Régie du logement seraient maintenues pour les cas urgents touchant la sécurité, le non-paiement de loyer et les reprises de logement, le gouvernement du Québec a changé d’idée et annoncé le lendemain (dimanche 15 mars) que seules les audiences relatives aux enjeux soulevant un risque pour la santé ou la sécurité d'une personne et celles concernant l'émission d'une ordonnance d'accès au logement, mais pas n’importe lesquelles, sont maintenues. Les autres sont suspendues.

Il est possible de déposer une demande en ligne à la Régie du logement, peu importe sa nature (exceptionnellement), mais le délai d’audience risque de s’allonger en raison de la suspension des activités du tribunal jusqu’au 23 mars. Le gouvernement n’a pas dit ce qu’il entendait faire après cette date.

La CORPIQ a aussi appris que les demandes de rétractation ne seront pas davantage traitées en urgence. L’an dernier, 2500 locataires ont demandé la rétractation d’une décision, principalement pour éviter l’expulsion ordonnée par le tribunal dans une cause pour non-paiement de loyer. Toutefois, ces demandes de rétractation ne sont plus nécessaires puisque les locataires bénéficient désormais d’un droit absolu de maintien dans les lieux en vertu de l’arrêté ministériel du 17 mars.

Par ailleurs, la CORPIQ a obtenu l’engagement du gouvernement à l’effet que les demandes déposées relatives au non-paiement de loyer seront entendues par le tribunal dans l’ordre chronologique où elles auront été reçues. Un propriétaire qui n’aurait pas été payé en mars peut donc espérer obtenir une audience plus tôt s’il dépose en ligne sa demande maintenant que s’il attend que la Régie reprenne éventuellement ses activités. Rappelons qu’une demande de résiliation de bail pour non-paiement peut être déposée après plus de trois semaines de retard du loyer, soit à compter du 23e jour du mois si le loyer est payable le 1erjour.

Les propriétaires qui ont en ce moment des logements vacants pourraient en avoir besoin prochainement. Si les mesures gouvernementales se prolongent et que des locataires sensés quitter après le non-renouvellement de leur bail choisissent plutôt de demeurer sur place, il risque d’y avoir des conflits avec les nouveaux locataires prêts à emménager dans les prochains mois avec en main un bail fraichement signé. À cela s’ajoutent les reprises de possession : le propriétaire ou un membre de sa famille pourrait ne pas pouvoir emménager dans son logement comme prévu.

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